Dénoncer les stéréotypespour avancer dans la repentance

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Dénoncer les stéréotypespour avancer dans la repentance

Cheminement
Etablir la vérité en critiquant les stéréotypes réciproques qui se construisent entre deux communautés en conflit est un prérequis pour un chemin de pardon. Pour être des ressources dans ce cheminement, les Églises ne doivent pas se laisser instrumentaliser.


Elisabeth Parmentier, Professeure en théologie pratique (UniGE).

«Si le christianisme a quelque chose à apporter aujourd’hui, c’est la responsabilité chrétienne de réfléchir au pardon», explique Elisabeth Parmentier. Elle pense beaucoup à la vengeance dans la situation géopolitique actuelle. «Partout dans le monde, nous assistons à des situations de droits bafoués, de confiance perdue. Cela crée des réactions de haine et du désir de vengeance. Dans les années à venir, les Églises devront mener un travail de lutte contre la haine et la vengeance.» Les croyants auront la responsabilité d’ouvrir des «chemins de réconciliation possibles», individuellement, mais aussi collectivement. L’écueil serait de tomber dans «une sorte de pardon à l’eau de rose parce qu’il faut pardonner», prévient-elle. L’histoire des Églises, qui, par le passé, ont été tour à tour à l’origine et victimes d’injustices, doit permettre de trouver des pistes de repentance.

Guérir les mémoires
«Il y a un exemple sur lequel j’ai beaucoup travaillé: le passé des Églises mennonites et anabaptistes et les persécutions qu’elles ont subies.» Un travail de dialogue mené ces dernières décennies a débouché sur une demande de pardon des Églises luthériennes. «Il a fallu clarifier l’histoire. Et ça, c’est important parce qu’il y a beaucoup de stéréotypes. D’un côté, on cultive la mémoire des martyrs; de l’autre, on essaie de s’excuser, de trouver des autojustifications. Tout cela empêche de se rejoindre.» Ce travail de dialogue a abouti à un texte commun: Guérir les mémoires (voir encadré). Cette démarche permet de revenir sur les blessures et les rancoeurs. «Pour le jubilé de la Réforme, en 2017, les Église luthérienne et catholique ont rédigé ensemble le parcours de l’histoire dans lequel apparaissait ce que l’on avait compris de l’autre et ce qui restait encore problématique. Cela a permis de travailler sur les narratifs que l’on a de part et d’autre. De remettre en question les images que l’on se fait de l’‹ ennemi.»

Conflit obsolète
Les rencontres humaines permettent aux victimes de dire ce qu’elles ont subi. Mais la demande de pardon doit impliquer un projet de réparation. «Dans des contextes politiques où il y a eu le droit bafoué, où des choses ont été détruites, où il y a eu des violences terribles, des mises à mort, il est indispensable qu’il y ait des formes de réparation.»Dans les cas de conflits historiques, en revanche, il n’est pas toujours possible de demander ou d’accorder le pardon pour les ancêtres. «Il faut avoir la liberté de dire que dans le contexte qui était le leur, nos ancêtres ont pris ces décisions, mais que nous, nous sommes libres, dans le nôtre et sans les trahir, de juger que ce qui a été dit à ce moment-là ne vaut plus.»

Rôle des Églises
«Je réfléchis à la manière dont il serait possible dans la prédication ou dans la liturgie de participer à la réparation dans des pays qui ont été déchirés», explique Elisabeth Parmentier. «Il est nécessaire d’implorer le pardon, de demander à Dieu la capacité de surmonter la haine. De demander la capacité d’entrer dans un chemin de pacification de soi-même, déjà.»La professeure de théologie pratique ne doute donc pas que les Églises sont des ressources pour permettre un pardon collectif. «Le problème dans les sociétés actuelles, c’est que l’on ne leur fait pas confiance comme instances de médiation. Au contraire, on les soupçonne d’être encore à la source de la violence. Il est donc important que les Églises bannissent toute rhétorique de violence.»

Pour aller plus loin
Elisabeth Parmentier recommande:
• Il n’y a pas d’avenir sans pardon, Desmond Tutu, Albin Michel, 1999;
• Le Pouvoir de pardonner, Lytta Basset, Labor et Fides, 1999;
• Guérir les mémoires. Se réconcilier en Christ, Fédération luthérienne mondiale, Fédération mennonite mondiale, 2010. 
Disponible sur www.re.fo/guerir .