Sœur Huguette: la force d’une conviction

Soeur Huguette / © Iara Vega Linhares
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Soeur Huguette
© Iara Vega Linhares

Sœur Huguette: la force d’une conviction

Vocation
A 100 ans, Sœur Huguette incarne la joie et l’engagement. Diaconesse et infirmière à Saint-Loup, elle a consacré sa vie à Dieu et aux autres. Toujours lumineuse, elle témoigne d’une foi inébranlable.

Rencontrer Sœur Huguette, c’est entrer en contact avec une énergie qui défie le temps. Son centième anniversaire, célébré le 8 décembre dernier, ne semble pas l’avoir atteinte: silhouette menue, regard vif et sourire malicieux, elle incarne une vitalité intacte. «100 ans? Je n’en reviens toujours pas moi-même!» plaisante-t-elle. Sa présence radieuse donne à son grand âge une dimension presque anecdotique. 

La communauté des diaconesses de Saint-Loup, à laquelle elle appartient depuis 1957, est implantée au pied du Jura vaudois, au cœur d’un cadre verdoyant. Fondée en 1842 dans la mouvance du «réveil» protestant, elle connut son apogée en 1942 avec 470 membres. Aujourd’hui, seules deux sœurs y poursuivent leur mission, les quatorze autres vivant une retraite paisible. L’hôpital autrefois géré par les diaconesses est désormais sous administration cantonale.

Quand Dieu appelle, il donne aussi la force d’accomplir la mission qu’il confie

Une vocation née dès l’enfance

Née dans le village de Fleurier, dans le Val-de-Travers, Sœur Huguette est l’enfant unique d’un père mécanicien et d’une mère régleuse. Son enfance est heureuse, rythmée par l’école et une vie de famille simple. Jeune fille, elle était ce que l’on appelait «une saute-en-l’air», vive et prompte à réagir. Dès son plus jeune âge, elle ressent un appel profond vers la foi et le service. Sa vocation ne se manifeste pas d’un coup, mais par petites touches. Elle raconte comment, lors d’une rencontre de jeunesse, un pasteur a prononcé des paroles qui l’ont marquée: «Il t’appelle, mais bientôt ce sera trop tard.» Ce jour-là, elle comprend que son chemin est tout tracé. Ses parents, inquiets à l’idée de la voir partir en mission, tentent de la décourager, mais rien n’y fait. 

Après plusieurs années dans l’enseignement, elle intègre la communauté des diaconesses de Saint-Loup à 32 ans. Elle y suit une formation d’infirmière, un domaine qui, à l’origine, l’effrayait. «Mon père me disait que j’avais peur du sang», se souvient-elle. Pourtant, elle s’y épanouit pleinement, alliant prière et engagement auprès des malades. «Quand Dieu appelle, il donne aussi la force d’accomplir la mission qu’il confie», dit-elle avec conviction. 

Malgré un parcours marqué par la rigueur et l’humilité, Sœur Huguette ne manque ni d’humour ni de vivacité d’esprit. «Avec elle, on rit beaucoup!» confie l’une de ses consœurs. Aujourd’hui, la prière reste le fil conducteur de ses journées. L’acceptation des limites imposées par l’âge constitue pour elle une leçon en soi. «On ne fait rien seule, c’est la communauté et la foi qui nous portent», confie-t-elle avec sagesse. Si son corps se fragilise, son esprit, lui, demeure alerte. Dans la lecture de la Bible, elle trouve un appui inaltérable. «Le Seigneur est fidèle, j’ai toujours pu compter sur Lui», affirme-t-elle avec une certitude tranquille. Interrogée sur le secret de sa longévité, Sœur Huguette balaie la question d’un geste simple: «Il n’y en a pas! Mes parents sont morts jeunes, je n’aurais jamais cru aller si loin. C’est un cadeau.» Face aux bouleversements traversés depuis sa naissance, elle demeure pragmatique: «Les changements, je les ai acceptés. Et puis, je n’étais pas seule, nous sommes ensemble pour agir.»

Les gens recherchent encore la vie avec le Seigneur

Quant à l’évolution de la spiritualité dans le monde contemporain, elle pose un regard nuancé: «Je crois que les gens recherchent encore la vie avec le Seigneur et la prière. Il y a des groupes qui se forment, y compris chez les jeunes, en quête d’une nourriture qui ne soit ni matérielle ni simplement intellectuelle, mais spirituelle.» Peu intéressée par les technologies modernes, elle n’a jamais utilisé d’ordinateur et vit sans internet, mais concède posséder un téléphone. «Ce n’est pas que je sois contre, mais j’ai toujours fait sans!» dit-elle en riant. Toutefois, elle observe avec bienveillance les mutations du monde actuel. 

Sœur Huguette incarne cette tradition tout en restant ancrée dans le présent. Elle rappelle, non sans humour, que l’entrée en communauté ne signifie pas renoncer à son caractère, mais apprendre à le mettre au service des autres. Son existence témoigne avec force de ce qu’est une vocation: une réponse à l’appel divin qui transforme une vie ordinaire en une œuvre extraordinaire.

Bio express 

8 décembre 1924 Naissance à Fleurier. 
1er mai 1957 Entrée à Saint-Loup. 
17 juin 1964 Consécration. 
Septembre 1966 – juin 1967 Cours de perfectionnement à Lausanne. 
1967 Sœur des novices. 
1977 Adjointe de la sœur directrice. 
1993 Retraite méritée.

Saint-Loup en un siècle et demi 

Fondée en 1842 à Echallens par le pasteur Louis Germond, l’Institution des diaconesses s’établit en 1852 à Saint-Loup. Vouées aux soins et à la prière, les sœurs y développent un hospice puis un hôpital en 1898. A partir du XXe siècle, les infirmières laïques prennent le relais, marquant une évolution majeure de la mission des diaconesses. Depuis 1977, la Communauté développe un ministère d’accueil et de relation d’aide chrétienne. Un projet de village thérapeutique y est en construction depuis l’ouverture de la Communauté aux laïcs en 2022.